Novembre 2005…
La démarche rêveuse, j’ai quitté ma maison située au bord d’un lagon de rêve,
et marché d’un pas décidé dans la lumière d’un petit matin dont le ciel portait la promesse
d’un soleil radieux. Les pistes de l’île étaient en soi une aventure…
Je me déplaçais sur un ruban de sable blanc zébrant la palette d’un peintre fou où
le vert des rizières caviardait un vitrail vibrant sous la lumière.
Mes pas me conduisirent au village principal situé au centre de l’île.
Après maints sourires, palabres, et rencontres hors du temps, je m’arrêtais à la case
de Dada qui travaillait chez moi. Celui-ci, après avoir lavé et déparasité selon la tradition
son zébu dans la mer, le lustrait avec tendresse et ses caresses amoureuses faisaient
fermer de bonheur les yeux de l’animal.
Ce dernier était sculptural… ! Le poids normal d’un zébu est de quelques 200 kg,
celui-ci en faisait 350kg ; sa taille était très supérieure à la moyenne et son énorme
bosse fermement remplie de graisse montrait bien sa bonne santé.
Sa robe noire et luisante n’avait de blanc qu’une noble pelote, en-tête idéalement
situé au centre de son chanfrein : à n’en pas douter ce taureau portait tous les signes
sacrés et était destiné au sacrifice lors d’un prochain « retournement » de rituel animiste.
Son imposante paire de cornes ne saurait le protéger d’un prochain égorgement au pied
de l’arbre sacré. C’était indiscutablement le plus beau zébu de l’île…
– Que ton zébu est beau Dada…Où l’as-tu trouvé ?
Il interrompit son travail et dans un franc regard souligné
de son blanc sourire, il leva les yeux sur moi.
– A Madagascar.
Dans un éclat de rire je lui répondis :
« Mais nous sommes à Madagascar ! »
Il me rétorqua très sérieux :
« Ah non, non ! Ici nous sommes à l’île aux nattes ! Madagascar, c’est là-bas !»
en désignant la grande île rouge située au-delà de la mer à quelque 40km
de notre confetti perdu dans l’océan indien.
Les habitants de l’île sont très attachés à leur terre, loin de toute appartenance nationale.
Ils sont avant tout natifs de leur île, de leur village, français historiquement,
dans leur langage qui est souvent celui de leurs échanges, unifiant ainsi leur langue
traditionnelle pas toujours comprise dans leur rencontre avec d’autres langues régionales
(il y a 18 ethnies à Madagascar, ayant chacune leur idiome spécifique).
C’est ainsi que j’ai vécu l’une de mes premières leçons culturelles
de cette « exception malgache. »